L’Arctique subit de plein fouet le changement climatique

La rapide évolution du climat dans l’Arctique exerce une pression indéniable sur les centaines de milliers d’autochtones habitant le Nord circumpolaire. Depuis des décennies, ils assistent au retour cyclique de la période d’eau libre de glace dans l’océan Arctique mais la banquise s’éloigne toujours plus des côtes. Le développement industriel et le transport maritime pourraient prendre sa place.Début mars 2009, la Principauté de Monaco a offert accueil et soutien à une réunion de quatre jours, organisée par l’UNESCO pour répondre aux préoccupations de la communauté arctique et ébaucher des stratégies en vue d’assurer le développement durable de la région. Des spécialistes des sciences sociales et naturelles, de l’éducation et des relations internationales ont sollicité l’expertise locale des peuples autochtones afin de préparer une série de recommandations pour les actions à venir. Les débats ont débouché sur une approche intégrée des réponses aux défis de l’Arctique.

« En tant qu’Inuit de l’Alaska, j’éprouve pour la première fois un grand espoir, parce que mes paroles ont été prises au sérieux et qu’on leur a accordé du poids », a déclaré Edward Itta, maire du bourg de North Slope, en Alaska, et président de la Conférence circumpolaire inuit (CCI). Au lieu, a-t-il poursuivi, de lui présenter les modifications que le peuple inuit devra apporter à son mode de vie pour s’adapter aux changements environnementaux, comme cela s’est produit invariablement lors des réunions auxquelles il a assisté ces quinze dernières années, les experts se sont efforcés de prendre en compte les savoirs autochtones et ont reconnu la valeur du maintien des cultures traditionnelles. « C’est la première fois dans une réunion de ce genre que je me sens utile à mon peuple », a souligné Edward Itta.

Comme l’ont conclu les 42 participants, un des principaux défis, pour parvenir au développement durable dans l’Arctique, consistera à coordonner les efforts interdisciplinaires et internationaux nécessaires pour affronter les conséquences d’un Océan arctique « bleu » (libre de glace) sur l’écosystème marin, la culture et les moyens d’existence des peuples autochtones et les activités économiques en général.

« L’Arctique et sa population engagée dans des activités traditionnelles ne devraient pas être perçus comme un indicateur d’alerte, mais plutôt comme un système de secours rapide », a ajouté Larisa Abryutina, vice-présidente de l’Association russe des peuples autochtones du Nord (RAIPON). La Russie compte une population de 200 000 autochtones, dont 80 000 vivent dans l’Arctique, a-t-elle précisé.

« La difficulté de préserver et d’accroître la prospérité et le bien-être culturel des peuples de l’Arctique est souvent compliquée par le fait que ceux qui sont chargés de mener les changements sont souvent étrangers à l’Arctique. De plus, les efforts en matière de recherche scientifique, de développement et de préservation sont souvent guidés par des intérêts extérieurs à la région », a précisé le groupe.

« Les gouvernements et les habitants de l’Arctique se félicitent de l’intérêt grandissant porté dans le monde à cette importante région. Les efforts déployés pour faire progresser la connaissance de l’Arctique par des moyens scientifiques, traditionnels et locaux auront une importance cruciale pour la formulation de réponses à des défis majeurs tels que les changements climatiques. Alors que les travaux progressent sur l’ensemble des fronts, il sera important de reconnaître le rôle des peuples de l’Arctique et de leurs institutions en tant qu’acteurs aux intérêts légitimes, et de ne pas se contenter de traiter l’Arctique comme un projet qu’il convient de mettre en oeuvre »,

« Les actions formulées en vue de résoudre les problèmes de l’Arctique passent d’abord par une prise de conscience du fait que de nombreux peuples de l’Arctique disposent d’institutions autonomes. Ces peuples ainsi que leurs institutions font preuve d’une immense créativité et s’emploient à promouvoir l’autodétermination, la prospérité et les aspirations de leurs communautés et de leurs régions », a-t-il poursuivi.

Dans leurs principes directeurs relatifs aux stratégies que l’UNESCO devrait adopter pour garantir le développement durable de l’Arctique, les participants à la réunion ont classé leurs 66 recommandations par domaines de préoccupation :
– éducation, communication et sensibilisation
– patrimoine culturel
– bien-être et santé
– développement économique et gestion des ressources
– questions de gouvernance arctique
– politiques et aide à la décision
– mise en place et renforcement de la recherche et des systèmes de surveillance
– accès à linformation et partage des données

Parmi les recommandations figure la création d’« un groupe de travail ou d’un groupe consultatif chargé d’entamer le dialogue et d’élaborer des stratégies sur les défis du changement climatique pour les peuples autochtones circumpolaires, y compris la sauvegarde du patrimoine immatériel et la création de synergies entre les savoirs autochtones et les connaissances scientifiques ». Les autres objectifs vont de la promotion de possibilités d’emploi grâce à la préservation des formes d’activité traditionnelles des peuples autochtones circumpolaires à l’amélioration de l’accès des chercheurs aux zones économiques exclusives de l’Arctique.

Les recommandations sont nées du consensus qui s’est instauré entre les participants, parmi lesquels se trouvaient des représentants de l’Association russe des peuples autochtones du Nord (RAIPON), de la Conférence circumpolaire inuit (CCI) et du Conseil Saami. Des représentants du Conseil de l’Arctique, du PNUE et de l’UNESCO étaient également présents.

Cette réunion, à laquelle ont participé non seulement l’ensemble des tats arctiques (Canada, Danemark-Groenland, tats-Unis, Finlande, Islande, Norvège, Russie et Suède), mais aussi des pays européens et des pays aussi éloignés que la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud ou le Japon, a fourni la preuve que ce qui se passe dans l’Arctique suscite l’intérêt au niveau mondial.

« Notre réunion d’aujourd’hui aurait été inconcevable il y a quelques années encore », a déclaré le Prince Albert II de Monaco, qui s’est rendu en 2006 dans l’Arctique et plus récemment dans l’Antarctique. « Les esprits se sont ouverts à une nouvelle solidarité avec ces terres éloignées », a-t-il constaté. La Principauté de Monaco a accueilli et appuyé cette réunion, organisée par lUNESCO, avec le Professeur Jean Malaurie, Ambassadeur de bonne volonté de l’UNESCO chargé des questions polaires arctiques. Le Directeur général de l’UNESCO, Koïchiro Matsuura, a ouvert la réunion. Pour le Professeur Malaurie, elle a eu notamment le mérite de permettre une harmonisation entre le dialogue international et la voix des peuples autochtones et des communautés de l’Arctique. La compréhension des changements climatiques débute par celle des effets qu’ils exercent sur les peuples vivant au plus près de cette terre, cette mer et cet air en pleine évolution, a-t-il déclaré. « Ne perdez jamais de vue les gens, les animaux et les plantes qui vivent sur ces territoires », a-t-il plaidé en direction de l’UNESCO.

Koïchiro Matsuura, qui a assisté à la première journée de débats en compagnie dAchim Steiner, Directeur exécutif du PNUE, s’est félicité du mandat audacieux adopté par les participants. « Il est certain que le climat mondial sera soumis à des changements majeurs. S’y adapter et y répondre par des stratégies d’adaptation appropriées devient un impératif partagé, y compris par le système des Nations Unies », a-t-il déclaré avant d’ajouter : « Le Secrétaire général des Nations Unies a qualifié le changement climatique de « défi le plus important de notre époque »».

Source : UNESCO

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