Bangladesh : les violences liées aux dots toujours aussi répandues

Au Bangladesh, quand les parents ne paient pas la dot promise à leur gendre, les choses peuvent très mal tourner. On dénombre chaque année des centaines de femmes mortes, des milliers d’autres torturées, battues, attaquées à l’acide. Pour de l’argent.« Il sest mis à me battre », a dit Shopna Rani, 22 ans, en parlant de son nouveau mari, quelques heures avant de mourir de ses blessures à lhôpital de Dhaka : ses parents navaient pas tenu leur promesse de dot.

Daprès lAsian Legal Resource Centre (ALRC), basé à Hong Kong, ces histoires ne sont pas nouvelles au Bangladesh.

« Cest une véritable plaie. Les choses ne saméliorent absolument pas, et tout le monde en souffre », a dit à IRIN Mohammad Ashrafuzzaman, responsable de programme à lALRC.

Daprès cette organisation, les violences liées aux dots qui prennent la forme de tortures, dattaques à lacide, et même de meurtres et de suicides contribuent à la stigmatisation des femmes.

Au cours du premier semestre 2009, 119 cas de violences liées aux dots, dont 78 cas mortels, ont été signalés, daprès Ain O Salish Kendro (ASK), une organisation non gouvernementale (ONG) locale de défense des droits humains.

Le nombre de femmes ayant trouvé la mort dans ce genre de circonstances était de 172 en 2008 et de 187 en 2007, a indiqué ASK, précisant quau cours du premier trimestre de cette année, au moins cinq cas de suicides liés au non-paiement dune dot ont été rapportés.

« On entend parler de souffrances terribles », a raconté M. Ashrafuzzaman, ajoutant que le problème était plus présent encore dans les régions rurales frappées par la pauvreté. Le paiement dune dot qui peut aller de quelques centaines à quelques milliers de dollars est susceptible de ruiner une famille du jour au lendemain.

Photo : femmes et jeunes filles sont attaquées à l’acide pour une dot non payée, avec les conséquences terribles que cela peut avoir sur leur santé et leur avenir.

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Daprès une étude de Peter Davis, ancien maître de conférences au Centre détudes du développement de lUniversité de Bath au Royaume-Uni, le paiement de dots sélevant à plus de 200 fois les revenus quotidiens moyens, ainsi que le coût élevé des dépenses de santé sont les principales causes de pauvreté chronique.

« Certaines familles subissent une double malédiction : elles doivent payer les dots de leurs filles au moment même où les membres les plus âgés de la famille ont besoin de recevoir des soins de santé très coûteux », a expliqué M. Davis, qui a mené des entretiens pendant plusieurs mois au Bangladesh.

Mais daprès M. Ashrafuzzaman, ces souffrances ne concernent pas seulement les pauvres.

Quels que soient léducation et le statut social des jeunes filles, la dot est quasiment obligatoire. La plupart des mariages ne peuvent pas avoir lieu tant que les deux familles ne se sont pas entendues en détails sur la dot de la mariée, expliquent les activistes.

Linefficacité de la loi

En 1980, le Bangladesh a interdit les dots et mis en place des sanctions : les personnes acceptant ou exigeant une dot sont passibles demprisonnement ou damende, ou des deux. Mais ces mesures nont pas mis fin à la pratique.

« Dans certains cas, la loi est appliquée, et dans certains cas elle ne lest pas. Les femmes nobtiennent pas le soutien que le droit devrait leur apporter, principalement à cause du manque de coopération des membres de la famille », a dit à IRIN Sara Hossain, activiste des droits humains et juriste renommée.

Dautres tiennent le gouvernement pour responsable. « Bien sûr quil y a une loi, mais cette loi na jamais été appliquée, en raison du dysfonctionnement inhérent au système judiciaire du pays », a expliqué M. Ashrafuzzaman, racontant que les criminels payaient souvent les fonctionnaires pour ne pas être arrêtés.

« Ils manipulent le système et au final, le problème persiste », a-t-il déclaré.

Assistance juridique

Certaines ONG comme ASK et le Bangladesh Legal Aid and Services Trust (BLAST) proposent une assistance juridique aux victimes, mais un grand nombre dentre elles refusent den bénéficier.

« Certaines victimes ne veulent pas mener cette bataille juridique parce quelles ont peur de leur mari », a expliqué à IRIN Elina Khan, directrice générale de Bangladesh Manabadhikar Bastobayan Sangstha (BSEHR), une ONG locale de défense des droits humains.

La plupart des victimes, qui viennent de familles pauvres, ont très peur de perdre la protection matérielle que représente le foyer de leur mari.

A la question de savoir quelle serait la meilleure approche pour résoudre le problème, Mme Hossain a répondu quil fallait faire évoluer la mentalité très répandue chez les hommes les plus pauvres, qui consiste à vouloir « senrichir le plus rapidement possible » et donc à utiliser largent de la belle-famille pour son propre confort matériel.

« Pour faire cesser les violences liées aux dots, il faudra changer cette mentalité. On pourrait y parvenir grâce à une campagne de sensibilisation de masse », a-t-elle déclaré.

Source : IRIN

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