Grève contre la vie chère à Mayotte : un désir de renouveau social

Petite île de larchipel des Comores, Mayotte est devenue le 101ème département français le 31 mars 2011. Son développement économique endogène est réduit et la majorité des produits de consommation sont importés.Par ailleurs, les anciens élus du Conseil Général ont accusé un déficit de 65 millions deuros. Réunissant des conditions de ressources par habitant bien plus faibles et des prix plus forts quen métropole, Mayotte va vers un important déséquilibre qui peut encore saccentuer ou se résoudre selon langle que prendra lessor de ce nouveau département.

Depuis le 21 septembre, un mouvement social de lutte contre la vie chère, réunissant une grande majorité de la population mahoraise, a soulevé de nombreuses questions dordre économique, politique et social. Un état des lieux nécessaire en cette période de transition.


Mamoudzou : place de la République, le 13 octobre 2011 – image : Saïd Ibrahime


Mamoudzou : les manifestants attendent le compte-rendu quotidien, place de la République, le 13 octobre 2011 – image : Saïd Ibrahime


Mamoudzou : gare maritime, le 13 octobre 2011 – image : Saïd Ibrahime

Les revendications des grévistes portaient principalement sur les prix des denrées alimentaires et de construction. Dix produits symboliques de première nécessité (riz, ailes de poulets, huile, farine, lait, sable, gaz) étaient au centre des négociations qui ont rythmé les 44 jours de grève. En consultation quotidienne avec la base populaire, lIntersyndicale (CGT Ma, Cisma-CFDT, CFE-CGC, associations de consommateurs) na finalement pas signé laccord établi par le médiateur de ltat, Denis Robin.
Laccord proposait une baisse des prix valable jusquen mars 2012 correspondant à léchéance de la mise en place de 25% du RSA sur lîle – au lieu du long terme attendu. Par ailleurs, les syndicalistes ont constaté, dans les grandes surfaces, une hausse des prix des produits qui nétaient pas en négociation ; ils demandent alors un gel des prix et évoquent « un cadre de négociation sur 350 produits ».

Les mesures politiques semblent tout autant insatisfaisantes. La ministre de lOutre-mer, Marie Luce Penchard, dispense, depuis début novembre, des bons dachat dun montant de 5 euros pour 10 produits par mois, destinés aux familles les plus défavorisées, avec la même échéance limitée par larrivée du RSA. Cette mesure fut perçue comme une aumône par la population mahoraise, une incompréhension de sa mobilisation.
Enfin dernièrement, la même ministre proposait un budget de 50 millions deuros pour la relance économique du département : le montant fut jugé insuffisant par les syndicalistes et la mesure inadéquate face à lurgence de la baisse des prix.
Le 9 novembre, lintersyndicale a décidé de suspendre la grève tout en garantissant la poursuite du travail de négociation. Chacune des parties restant fermement campée sur ses positions, les représentants du peuple ont laissé entendre quune reprise du mouvement se fera certainement le 19 décembre.


Dzaoudzi : port de pêche – image : Saïd Ibrahime

Il est à noter que ces événements se situent entre le basculement à gauche de la majorité du Conseil Général de Mayotte aux cantonales de mars dernier, vécu comme un affront par le gouvernement, et les élections présidentielles de mars 2012.  Il en résulte une tension politique qui peut fausser ou, du moins, freiner le jeu des négociations.
Même si le mouvement sest cristallisé autour du rapport de force entre les consommateurs et les enseignes de la grande distribution, les syndicats ont exprimé leur volonté dagir pour une transformation fondamentale et plus globale de la société mahoraise. En effet, tout en insistant sur la nécessité de baisser les prix en urgence, un de leurs porte-paroles, Boinali Saïd, parle aussi dune volonté de changement de paradigme sociétal.

Auteure : Fanny Cautain

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