Le mythe des biocarburants

Les bienfaits des biocarburants sont un mythe orchestré par les puissances de l’agrobusiness. Ils sont autant sinon plus néfastes pour l’environnement que le pétrole. Et pourtant leur développement actuel est sans précédent. Au détriment de l’agroalimentaire des pays du Sud.

Les biocarburants ne sont pas si bio que ça, selon un article paru dans Le Monde Diplomatique du mois de juillet 2007.
Les agrocarburants, c’est un nom qui leur convient mieux, sont le résultat de la transformation en éthanol ou biodiesel de la biomasse issue du maïs, palmiers à huile, soja, canne à sucre.
Leur fort développement actuel se concentre au Brésil et aux Etats-Unis, principaux producteurs et consomateurs. Mais l’Europe a également des ambitions importantes d’ici 2020, pour porter à 20% de sa consommation de carburants la part des agrocarburants.
Pour arriver à un tel effort, « 70% des terres arables européennes devraient être mobilisées et la totalité des récoltes de maïs et de soja des Etats-Unis devrait être transformée ».
On comprend aisément que cela n’est pas possible, au risque de mettre en péril l’approvisionnement alimentaire des pays du Nord.

Le mythe de ces agrocarburants tient en plusieurs points :

  1. ils sont propres et protègent l’environnement
  2. n’entrainent pas de déforestation
  3. permettent le développement durable
  4. ne causeront pas la faim
  5. une deuxième génération d’agrocarburants arrivera bientôt

Chacun de ces points est fortement sujet à caution, voire trompeur.

1. Si lon prend en compte lensemble des facteurs de la production des agrocarburants, on apprend que le bénéfice attendu se révèle négatif. La réduction démission de gaz à effet de serre à laquelle on tente de nous habituer est en fait déficitaire. La production dagrocarburants augmente ces rejets de gaz dans latmosphère du fait du défrichage important réalisé pour créer des plantations à grande échelle, notamment de palmiers. Lépandage des engrais dans le sol, nécessaire à ces plantations industrielles, produit de fortes émissions doxyde nitreux, dont les effets sont 300 fois plus néfastes que le dioxyde de carbone (CO2). Leau utilisée, de lirrigation jusquaux eaux usées rejetées souvent directement sans traitement dans lenvironnement, pollue ainsi les rivières et les nappes phréatiques. Sans parler de lérosion qui saccélère de par les méthodes industrielles de production. 

2. Comme on la vu ci-dessus, il faut défricher de grandes étendues afin de créer des plantations, qui contrairement à ce que lon pourrait penser, ne sont pas des forêts. Il faut souvent détruire des zones humides, des forêts tropicales millénaires, primaires, et perdre une biodiversité importante. Le brésil par exemple, repousse ses populations rurales les plus pauvres vers la frontière de lAmazonie, cette immense forêt tropicale, en voulant mettre en cultures industrielles des centaines de millions dhectares de terres jusquici cultivées de manière artisanale. Ces paysans pauvres défrichent à leur tour et grignotent ainsi lAmazonie, qui disparaîtra dici quelques dizaines dannées à ce rythme fou. La Malaisie a déjà perdu 87% de sont couvert forestier, et lIndonésie, qui possède lune des plus importantes couvertures forestières de la planète, sapprête à limiter dici 2020.

3. Le développement durable requiert entre autres que les populations rurales restent sur place. Il leur faut un travail qui disparaît avec lindustrialisation des cultures. De 35 personnes employées par hectare de culture artisanale familiale, on passe à 10 personnes pour la canne à sucre et les palmiers, et même 1 personne pour 200 hectares pour le soja. Les grands groupes multinationaux se jettent actuellement dans cette bataille des agrocarburants, et leurs méthodes ne sont ni artisanales, ni familiales de par leur nature. Les emplois vont donc disparaître des campagnes, et les ruraux vont aller rejoindre les urbains, souvent dans des bidonvilles gigantesques dans les pays sous-développés.

4. Si lon commence à mettre en forte concurrence la production agricole alimentaire et la production agricole des carburants, le résultat évident devient la faim pour encore plus de personnes dans le monde. Bien que les moyens soient présents pour éviter la faim pour près d1 milliard de personnes, elles en souffrent encore. Avec laugmentation importante des prix de lénergie, le prix de ces nouvelles énergies issues de lagriculture sera suffisamment alléchant pour les multinationales et les gouvernements (surtout ceux du Sud) pour quils les privilégient, au détriment habituel des populations les plus défavorisées. Par exemple, le Mexique importe désormais 30% de son maïs des Etats-Unis, alors que ce maïs est historiquement originaire du Mexique ! Mais avec la demande croissante déthanol, les prix agricoles sont montés et cette plante, qui est la base de lalimentation mexicaine, a vu son cours senvoler. Lélévation des prix des énergies fera souffrir encore plus les plus pauvres, qui ne pourront plus acheter leur alimentation si celle-ci augmente du fait de la concurrence avec les agrocarburants.

5. On veut nous faire croire quune nouvelle génération dagrocarburants arrivera bientôt sur le marché, et que celle-ci consommera moins despace de plantation, moins deaux usées, éjectera moins de gaz à effet de serre. Ces nouvelles plantes à pousse rapide seront génétiquement modifiées, parait-il. Or la dissémination de ces plants génétiquement modifiés, que lon observe déjà à une échelle devenue inquiétante dans certaines régions du monde, se poursuivra et risque très fortement de contaminer lensemble ou presque de la production agricole. De même, si lon produit à très grande échelle ces agrocarburants avec les conséquences fâcheuses que lon sait sur lenvironnement et latmosphère en particulier, comment combattre le réchauffement du climat, qui est pourtant la priorité affichée avec cette nouvelle stratégie énegétique ? On sait aussi que laugmentation de la demande sera à peine couverte par cette augmentation de production dagrocarburants. On peut donc logiquement en déduire que le climat va continuer à se réchauffer, et même de plus en plus vite grâce aux agrocarburants. !

On assiste actuellement à une sorte de reconversion des multinationales agroalimentaires en  multinationales énergoalimentaires. Leurs profits potentiels sont à la mesure des moyens engagés. La production agricole mondiale stagnant actuellement, notamment par la baisse de la croissance de la productivité, elles ont trouvé là un excellent moyen de faire croître leurs chiffres. Le pétrole étant amené à reculer inévitablement dans les prochaines décennies, et son prix à alors augmenter fortement, toutes ces énergies seront une manne financière faramineuse pour leurs exploitants. Doù lintérêt quelles suscitent auprès des industriels. 

La crise de lénergie qui se profile verra donc la concurrence augmenter entre lagriculture vivrière et énergétique, cette dernière se voyant largement profitable avec un baril de pétrole aux alentours des 100 $USD.
Avec la surconsommation habituelle dont on nous fait la promotion sans cesse, léconomie actuellement fondée sur le pétrole verra sa durée de vie prolongée, au lieu de cesser dès lors que celui-ci disparaîtra de la surface (sic !) de la planète.
La transition vers une économie fondée sur un développement plus durable et respectueux de notre environnement à tous se voit ainsi repoussée pour peut-être longtemps encore, nous évitant de nous préparer à réduire notre surconsommation.

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