Mali : le nouveau code de la famille accueilli par des menaces de violence

Tandis que les associations de défense des droits humains fêtent le nouveau code de la famille récemment adopté au Mali, qui modifie les lois relatives au mariage et étend les droits des filles, des dirigeants musulmans ont juré dempêcher le code de devenir loi, menaçant même de faire appel à la violence.Le code, débattu pendant dix ans avant son adoption, le 3 août dernier, comprend plus de 1 100 nouveaux articles, qui, entre autres, fixent lâge minimum légal pour se marier à 18 ans, abolissent la peine de mort, ne reconnaissent que les mariages laïques et étendent les droits dhéritage aux filles. Le code doit être approuvé par le président pour avoir force de loi.

Le secrétaire général du Haut conseil islamique malien, Mohamed Kimbiri, a dit à IRIN que le conseil fera tout pour empêcher lapplication de la loi. « Ce code est honteux, cest une trahison [pour les musulmans]… Nous ne sommes pas contre lesprit du code, mais nous voulons un code approprié pour le Mali, qui soit adapté à ses valeurs sociales. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que ce code ne soit pas promulgué ou adopté. »

Il a ajouté que, bien quils aient consulté les membres de la communauté religieuse concernant les termes du code, les parlementaires ont ignoré les suggestions des chefs religieux et se sont soumis aux exigences des bailleurs de fonds.

« Nous ne voulons pas dun code provenant des bailleurs de fonds, et particulièrement de lUnion européenne, qui naccorde ses aides quà condition que certaines réformes sociales soient mises en oeuvre, et notamment ladoption de ce code », a expliqué M. Kimbiri. « Lassemblée la adopté sous pression. Mais nous nallons pas céder aux pressions exercées pour nous faire accepter un code qui nest pas le nôtre. »

Entre 2000 et 2007, lUnion européenne a attribué environ 640 millions de dollars américains à la réduction de la pauvreté au Mali. 

« …Je ne peux pas me présenter devant mes électeurs et leur dire que le mariage religieux est illégal, quune femme ne doit plus obéir à son mari…»

linverse, la présidente dune association nationale dorganisations non gouvernementales (ONG) féminines, Oumou Touré, a dit que le code de la famille était une « exigence constitutionnelle et démocratique » promouvant la justice sociale.

« De nombreuses filles mariées à 10, 11 ou 12 ans sont décédées ces dernières années dans la région de Kayes [à 500 km au nord-est de Bamako]. Le nouveau code permettra déviter ce genre de situation, car les coupables seront désormais punis et condamnés à une amende. »

Amnesty International a estimé, en 2005, que plus de 60 pour cent des jeunes maliennes étaient mariées avant lâge de 18 ans.

Menaces

Lors dune réunion organisée par le conseil islamique, le 9 août, dans la plus grande mosquée de la capitale, Bamako, des centaines de leaders religieux et de chefs de villages se sont rassemblés pour manifester leur opposition au code.

« Nous ne pouvons pas interdire les mariages traditionnels », a dit lun des leaders du district de Bamako, Bouramablen Traoré. Le président dun groupe de jeunes musulmans, Amadou Bah, a demandé à ses partisans de « maudire les fonctionnaires ayant voté pour le code de la famille », les traitant « danti-islamistes » qui seront « punis par le Tout-puissant ».

Le chef religieux El Hadj Koké Kallé est intervenu pour empêcher de possibles pyromanes daccéder à lAssemblée nationale, située à 100 mètres de la mosquée.
Lun des cinq parlementaires ayant voté contre le code, Abdoulaye Dembélé, a dit quil ne pouvait pas risquer de contrarier ses électeurs.

« Je ne peux pas me présenter devant mes électeurs et leur dire que le mariage religieux est illégal, quune femme ne doit plus obéir à son mari et quils doivent se considérer sur un pied dégalité. Si je fais ça, les électeurs vont me pénaliser aux prochaines élections. »

Le président de lAssemblée nationale, Dioncounda Traoré, lun des 117 parlementaires ayant voté en faveur du code, a expliqué que tous les parlementaires devaient maintenant mener des actions déducation auprès de leurs communautés. « Tous les représentants ont lobligation dinformer leurs électeurs des avantages de cette [proposition de] loi. »

Réactions

Le gouvernement na pas encore indiqué comment il allait veiller à lapplication de la loi.

Le ministre de la Justice, Maharafa Traoré, a dit à IRIN quil y aura toujours une opposition à la réforme. « Nous ne pouvons pas effectuer des changements sans provoquer de réactions. Il est difficile dobtenir un accord unanime concernant une réforme. Cest pourquoi nous allons éduquer les citoyens afin de venir à bout de toutes les résistances. »

« Nous navons jamais dit que le texte [du code] était parfait, loin de là. Mais nous pouvons corriger les lacunes au fur et à mesure que la loi sera appliquée », a indiqué le ministre de la Justice.

Daouda Dia, leader musulman à Bamako, a dit à IRIN que le code nécessitait des modifications. « Les femmes ont toujours été considérées comme inférieures ici, ce qui nest pas normal. Nous sommes tous égaux. Je ne vois aucun problème concernant larticle selon lequel les femmes et les hommes doivent se témoigner un respect mutuel. Si les femmes possèdent largent nécessaire pour contribuer au budget familial, je ne vais pas my opposer. »

Ce qui est difficile, cest dinformer les femmes de lexistence de ce nouveau code, a expliqué la présidente de lassociation dONG, Mme Touré. « Nous savons que certains secteurs opposés au code vont semer la discorde dans lesprit des citoyens. »

Source : IRIN

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