Cambodge : Douch condamné pour crimes contre l’humanité

La Chambre de première instance des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) a déclaré lundi Kaing Guek Eav, aussi connu sous le nom de Douch, coupable de crimes contre l’humanité et violations graves des Conventions de Genève de 1949 et l’a condamné à 35 ans de prison.Kaing Guek Eav, la première personne à être jugée devant les CETC, a été directeur adjoint puis directeur de S-21, un centre de sécurité dont la mission était d’interroger et d’exécuter les personnes perçues comme des ennemis du Kampuchéa démocratique par le Parti communiste du Kampuchéa. S-21 a fonctionné de 1975 à 1979. Les CETC sont un tribunal hybride composé de la justice cambodgienne et d’un soutien de l’ONU.

La Chambre a constaté que toutes les personnes détenues à S-21 devaient être exécutées conformément à la politique du Parti communiste du Kampuchéa visant à « écraser » tous les ennemis. Outre les exécutions massives, de nombreux détenus sont morts en raison des tortures qui leur étaient infligées et des conditions de détention qui leur étaient imposées. En s’appuyant sur les listes de prisonniers, la Chambre a établi qu’au moins 12 272 personnes ont été détenues et exécutées à S-21, mais elle a indiqué que le nombre réel de détenus a probablement été beaucoup plus élevé.

La Chambre de première instance a conclu que, avec diverses autres personnes, et par l’intermédiaire de ses subordonnés, Kaing Guek Eav, a veillé au bon fonctionnement de S-21 et S-24 (un site annexe utilisé comme camp de rééducation où au moins 1 300 autres personnes ont été détenues). La Chambre a de plus conclu que Kaing Guek Eav détenait et exerçait une autorité importante sur S-21 et qu’il a déployé, dans l’exécution de ses fonctions, un degré élevé d’efficacité et de zèle. Il a travaillé inlassablement pour que S-21 fonctionne aussi efficacement que possible et ce en raison de sa loyauté inconditionnelle à l’égard de ses supérieurs.

La Chambre a donc conclu que Kaing Guek Eav n’a pas seulement mis en uvre les politiques du Parti communiste du Kampuchéa à S-21, mais qu’il a activement contribué à les rendre plus efficaces.

Kaing Guek Eav a également été poursuivi pour assassinat et torture, crimes du droit national relevant de la compétence des CETC en application de l’article 3 (nouveau) de la Loi relative aux CETC. La Chambre, dans une décision séparée qu’elle a rendue également lundi, n’a pas trouvé d’accord sur la question de savoir si ces crimes avaient été prescrits avant que les CETC commencent à instruire le dossier de l’Accusé. Faute de majorité requise, la Chambre ne peut connaître des crimes relevant du droit national. Cette décision n’a aucune conséquence sur la peine.

Kaing Guek Eav a été reconnu coupable de crimes contre l’humanité (persécution pour motifs politiques) (englobant d’autres crimes contre l’humanité, notamment l’extermination, l’emprisonnement et la torture), ainsi que de nombreuses violations graves des Conventions de Genève de 1949, pour lesquels, à la majorité, la Chambre l’a condamné à une peine unique de 35 années d’emprisonnement. Pour déterminer la peine à infliger, la Chambre a tenu compte d’un certain nombre de circonstances aggravantes, en particulier la gravité des infractions, qui ont fait au moins 12 272 victimes et qui ont été commis pendant une longue période.

La Chambre a estimé qu’il existe des circonstances atténuantes significatives qui l’obligent à fixer une peine de prison à temps plutôt que la prison à vie. Ces circonstances comprennent la coopération avec la Chambre, la reconnaissance de responsabilité, l’expression limitée de remords, le climat de contrainte qui régnait sous le régime du Kampuchéa démocratique et le potentiel de réhabilitation.

Conformément à sa décision du 15 juin 2009, la Chambre a considéré qu’il y avait lieu de réduire de 5 ans la durée de la peine mentionnée ci-dessus en raison de la violation des droits de Kaing Guek Eav du fait de l’illégalité ayant entaché sa détention sous l’autorité du Tribunal militaire du Cambodge entre le 10 mai 1999 et le 30 juillet 2007. La période pendant laquelle Kaing Guek Eav a été maintenu en détention par le Tribunal militaire du Cambodge et les CETC sera en outre déduite de la durée de sa peine.

Dans le jugement, la Chambre de première instance a estimé que 66 parties civiles ont établi qu’elles étaient des victimes immédiates de S-21 ou de S-24, ou qu’elles ont rapporté la preuve de l’existence de victimes immédiates de S-21 ou de S-24 et un lien de proche parenté ou des liens d’affection et de dépendance particuliers avec elles. Elles ont en outre prouvé que le décès de ces victimes leur avait causé un préjudice manifeste et que ce préjudice était une conséquence directe des crimes de Kaing Guek Eav. La Chambre a fait droit à la demande des parties civiles tendant à ce que leurs noms soient inclus dans le jugement.

La Chambre a rejeté toutes les autres demandes des parties civiles aux motifs soit qu’elles manquaient de précision, soit qu’elles sortaient du champ des réparations que les CETC pouvaient leur accorder. Elle a toutefois aussi ordonné la compilation et la publication de toutes les expressions d’excuses présentées par l’Accusé lors du procès.

Le procès de Kaing Guek Eav a commencé le 30 mars 2009. Le réquisitoire et les plaidoiries ont été achevés le 27 novembre 2009 après 72 jours de procès, au cours desquels 24 témoins, 22 parties civiles et 9 experts ont été entendus. Plus de 28 000 personnes ont suivi les débats dans la galerie du public.

Source :  ONU (communiqué)

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